vendredi 8 avril 2016

Images et Proses de Rina Lasnier, 1941

mages et Proses,  publié en 1941, est le premier recueil de poèmes de la poète Rina Lasnier. Elle ne pense pas encore à devenir poète. Idéal trop grand, trop haut pour celle qui doute de son talent. Elle explore plutôt l'écriture théâtrale. Elle vient de publier en 1939 Féerie indienne, pièce sur la jeune Katéri Tékakwitha.

Cependant le photographe Tavi lui propose d'écrire des textes à partir de ses photos. Elle se lance dans cette collaboration qui échoue. Elle poursuit le projet seule, utilisant les photos de l'artiste.Il en résulte en 1941, Images et proses où la poète raconte ce qu'elle a vu avec les yeux émerveillés de l'enfance. Plusieurs poèmes sont des inventaires, mais certains se démarquent et annoncent  l'oeuvre.

Un bref aperçu de cette première oeuvre :


Lorsque j’étais petite fille (extrait)

Lorsque j’étais petite fille, je savais que l’été se cache sous la robe fleurie du printemps …..
Je savais pourquoi je dessinais des insectes pareils à des fleurs et des fruits pareils à des astres……
Lorsque j’étais une petite fille, je m’étonnais qu’on appelât saleté le pollen doré dont je fardais la rose de mes joues ;
j’ignorais pourquoi seule ma poupée partageait mon émerveillement devant cette framboise assez grosse pour coiffer mon pouce ;
je ne comprenais pas pourquoi le pont de l’irréel s’effondrait sous les pas des grandes personnes ;
j’ignorais pourquoi l’enfance reste un royaume de solitude et de joie….
Images et Proses, 1941



Beauté

Laisse le nénuphar au lac, laisse le poète à sa solitude;

le nénuphar n’a pas dédaigné le pré ou le jardin, le poète n’a pas choisi de chanter;

même s’ils baignent dans l’eau de la beauté, ils restent mêlés à la boue de la terre par toutes leurs racines.

Une goutte d’eau… quand on a soif du lac entier… un poème,,, quand on poursuit la beauté absolue…

Laisse le nénuphar à la coupe changeante du lac, laisse le poète à la coupe sans bords du rêve…
Images et Proses, 1941



Impatience

Écoute ma turbulente aventure et le sonore appel de mon impatience ;
………..
de même un peu d’eau qui bouge émeut plus que beaucoup d’eau éparse ;
……
je cueille l’eau glissée de la main, la gouttelette roulée du brin d’herbe et le filet échappé de la source aveugle ;

je lui redonne sa joie qui n’est pas d’espérer mais de conquérir, ni d’être bue par les grèves molles ou les fissures avides, mais de courir et d’entraîner.

Écoute ma turbulente aventure et le sonore appel de mon impatience ;
…….
je déchire en passant l’image enluminée de la forêt, je lui arrache ses chansons et son silence ;

je tisse de sinueuses dentelles d’écume n’ayant pas le temps d’attendre la grâce lente des nénuphars ;

je connais ma soif, le vent ne peut violenter mon coeur fugace et me détourner de ma voie exaspérée ;

je cours apprendre si la profondeur de la mer me désire comme je la désire.
Images et Proses, 1941


Belle découverte,

Marie Lasnier 

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